En fin de vie, certaines situations médicales soulèvent des questions profondément humaines, éthiques et légales. Faut-il continuer à traiter lorsque les chances de guérison sont inexistantes ? Jusqu’où aller pour maintenir une personne en vie ? Que faire si elle ne peut plus s’exprimer ? Pour les proches comme pour les soignants, ces dilemmes sont lourds et nécessitent un cadre clair.
La notion d’obstination déraisonnable, introduite par la loi Claeys-Leonetti de 2016, remplace celle d’acharnement thérapeutique et reflète une évolution du regard porté sur la fin de vie. Elle désigne des traitements poursuivis sans bénéfice réel pour le patient, prolongeant inutilement la souffrance ou la dépendance. La loi encadre cette notion pour prévenir les soins disproportionnés ou contraires à la volonté de la personne.
Qu’est-ce que l’obstination déraisonnable ?
Selon la loi française, il y a obstination déraisonnable lorsque des actes médicaux sont « inutiles, disproportionnés ou n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Dans ce cas, ils peuvent être suspendus ou non entrepris, conformément à la volonté du patient. Si celui-ci ne peut plus s’exprimer, la décision est prise à l’issue d’une procédure collégiale.
Concrètement, cela signifie qu’un traitement médical (chimiothérapie, dialyse, ventilation artificielle, réanimation…) peut être interrompu lorsqu’il ne sert plus à soulager, améliorer ou stabiliser l’état de santé, mais uniquement à prolonger artificiellement une vie qui s’éteint.
Voir une vidéo explicative sur l’obstination déraisonnable :
Les enjeux éthiques et humains
La question posée par l’obstination déraisonnable n’est pas uniquement médicale : elle engage une réflexion sur le sens du soin. Soigner, est-ce systématiquement mobiliser tous les moyens techniques disponibles ? Ou est-ce, dans certaines situations, reconnaître l’arrêt des traitements ou ne pas débuter un traitement peut être une forme de soin en soi : pour préserver le confort, éviter une souffrance inutile, et respecter ce que la personne aurait souhaité pour elle-même ?
Dans certaines situations, poursuivre un traitement peut entraîner une majoration de la douleur, de l’anxiété ou de la confusion, sans amélioration possible de l’état de santé. L’enjeu devient alors de réinterroger le rapport bénéfice/risque des actes médicaux, et de favoriser une approche centrée sur la qualité de vie, le confort du patient, en lien étroit avec les volontés exprimées par la personne ou, à défaut, par ses proches.
Le cadre juridique en France
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 encadre les situations de fin de vie en affirmant plusieurs principes clés :
- L’interdiction de l’obstination déraisonnable : lorsqu’un traitement est jugé inutile, disproportionné ou sans bénéfice médical réel pour la personne, il peut être suspendu ou non instauré.
- Le droit pour tout patient de refuser ou d’arrêter un traitement, même s’il est vital.
- Le développement des soins palliatifs, afin d’assurer un accompagnement respectueux de la personne, sans chercher à accélérer ni à retarder la mort.
- Un volet central de cette loi concerne les directives anticipées, mentionnées à l’article 8. Toute personne majeure peut rédiger ce document pour faire connaître à l’avance sa volonté relative à sa fin de vie, notamment les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’actes médicaux. Ces directives s’imposent au corps médical, sauf urgence vitale ou caractère manifestement inapproprié à la situation médicale.
- La loi reconnaît également la possibilité de désigner une personne de confiance (article 9) : elle sera consultée si la personne n’est plus en capacité de s’exprimer, et pourra faire valoir ses souhaits.
Pour en savoir plus sur la rédaction de directives anticipées, vous pouvez consulter cette page : Comment rédiger des directives anticipées ?
Comment est prise la décision d’arrêter l’obstination déraisonnable ?
Lorsqu’un traitement apparaît comme inutile ou disproportionné, sa suspension doit répondre à un cadre clair, défini par la loi et la déontologie médicale.
Si le patient est conscient et en capacité de s’exprimer, son consentement est primordial. Il a le droit de demander l’arrêt d’un traitement, y compris s’il s’agit d’un traitement vital. Cette décision est alors respectée, dans les conditions prévues par la loi.
Si le patient ne peut plus exprimer sa volonté, la décision relève d’une procédure collégiale, en particulier en milieu hospitalier. L’équipe médicale se réunit pour évaluer la situation, en s’appuyant sur les données cliniques, l’avis des soignants, l’éventuelle personne de confiance désignée, et les directives anticipées, si elles existent. Les proches sont associés à cette réflexion, même si la décision finale revient aux professionnels de santé. L’objectif est de garantir une décision partagée, éclairée et éthique, centrée sur l’intérêt de la personne.
L’accompagnement après l’arrêt d’un traitement médical
Lorsqu’un traitement curatif est suspendu parce qu’il est jugé disproportionné, l’accompagnement ne s’interrompt pas. Les soins palliatifs peuvent alors prendre le relais pour soulager la douleur, accompagner les symptômes et offrir un soutien psychologique, médical et social. Cet accompagnement peut d’ailleurs débuter en parallèle de certains traitements, bien avant qu’ils ne soient arrêtés
Dans ce cadre, Voisins & Soins peut intervenir à domicile ou en EHPAD, lorsque la situation le justifie, et toujours en lien avec les professionnels de santé déjà engagés.
Questions fréquentes
Quelle loi interdit l'obstination déraisonnable ?
L’obstination déraisonnable est interdite par la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016. Elle précise que tout traitement inutile, disproportionné, ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie doit être évité. Cette loi renforce le droit des patients à une fin de vie digne et respectueuse de leurs volontés.
Peut-on s’opposer à une décision médicale ?
Oui. Le patient a le droit de refuser ou d’arrêter un traitement, même s’il est vital. Si la personne n’est plus en capacité de s’exprimer, ses directives anticipées ou sa personne de confiance peuvent être prises en compte. Une décision d’arrêt de traitement est prise collectivement par l’équipe médicale, après concertation avec les proches.
Comment rédiger ses directives anticipées pour éviter l’obstination déraisonnable ?
Les directives anticipées permettent à chacun de formuler par écrit ses souhaits concernant les traitements à poursuivre ou à refuser en fin de vie. Elles sont consultées si la personne n’est plus en état de s’exprimer. Pour savoir comment les rédiger, vous pouvez consulter ce guide pratique sur le site Parlons fin de vie.