« Soigner autrement » : le témoignage d’Hermine, infirmière en soins palliatifs

Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?

Je suis infirmière diplômée depuis 2015. J’ai commencé ma carrière à l’hôpital, d’abord en chirurgie thoracique, puis en salle de réveil polyvalente. En 2022, j’ai choisi de me former plus spécifiquement aux soins palliatifs en obtenant un Diplôme Universitaire dans ce domaine.

Pourquoi t’es tu orientée vers les soins palliatifs ?

C’est une amie, déjà engagée dans ce champ, qui m’a ouvert les yeux sur cette pratique. Je ne connaissais pas du tout à l’époque, mais en l’écoutant, j’ai découvert une approche profondément humaine dans laquelle j’ai retrouvé tout le sens qui m’avait poussée à devenir infirmière. Celui de prendre soin d’une personne dans sa globalité.

Les soins palliatifs ne s’arrêtent pas à un symptôme : on considère la personne dans toutes ses dimensions – physique, psychologique, sociale. On veille à répondre à l’ensemble de ses besoins. Cela m’a rappelé les 14 besoins fondamentaux de Virginia Henderson qu’on apprend pendant nos études d’infirmière : manger, boire, bouger, communiquer, être soulagé… C’est le socle même du soin.

Pour moi, cette approche devrait faire partie intégrante de toute démarche médicale. La médecine aurait beaucoup à apprendre des soins palliatifs.

Et puis, on ne le dit pas assez, mais les soins palliatifs sont porteurs d’espérance. J’ai vu tellement de personnes vivre leurs derniers jours recentrées sur l’essentiel, apaisées, entourées. À ce moment-là, on ne parle plus de lutte contre la maladie, mais de vie jusqu’au bout.

Pourquoi avoir choisi de rejoindre Voisins & Soins ?

C’est un peu un hasard heureux. J’étais amie avec la sœur d’Adrien Serey, qui était alors directeur médical de Voisins & Soins. Elle m’a parlé de l’association et de l’accompagnement qu’elle proposait pour les personnes en fin de vie. J’ai contacté Adrien… et c’est comme ça que tout a commencé.

Au départ, ce sont des raisons très concrètes qui m’ont conduite vers Voisins & Soins : un rythme de travail plus compatible avec ma vie de famille, et l’opportunité de découvrir une autre manière de soigner, en libéral.

Depuis que je suis chez Voisins & Soins, j’ai découvert combien il est précieux de pouvoir entrer dans la vie des personnes, chez elles. Le simple fait qu’elles nous ouvrent leur porte est un signe de confiance immense. Cela change complètement notre manière de les accompagner : on perçoit mieux leur réalité, leur environnement, leur dynamique familiale. Et cela facilite aussi beaucoup le lien avec les proches aidants, qu’on peut soutenir plus directement.

Comment vois-tu ton rôle dans l’équipe et auprès des personnes accompagnées ?

Au début, je n’avais plus mes repères. J’avais l’impression de ne pas vraiment “faire” mon métier. Et puis, à force de participer aux réunions de concertation hebdomadaires avec le reste de l’équipe, j’ai compris ma place. Je suis celle, avec le médecin, qui peut répondre aux questions médicales des bénévoles, qui peut les rassurer, les guider dans les gestes ou les décisions du quotidien.

Mais c’est réciproque. Les bénévoles m’apportent énormément aussi. Je suis parfois trop “dans le médical”, dans le protocole. Eux viennent rééquilibrer, apporter un autre regard. Par exemple dans la gestion de la douleur, ils offrent une présence, une écoute, une chaleur humaine qui complète les soins. Je ne pourrais pas travailler sans eux.

Je suis également toujours touchée par leur engagement : ils font des visites toutes les semaines, participent à chaque réunion hebdomadaire. Ils offrent leur temps leur présence, de façon totalement gratuite et c’est très beau. Ça donne envie de s’engager à son tour.

En plus de mon rôle auprès de l’équipe Voisins & Soins, j’assure aussi une coordination avec les autres soignants du domicile : infirmiers libéraux, HAD, médecins. Je peux apporter un regard spécifique sur les soins palliatifs, sur le confort : un soin de bouche, un toucher-massage, une proposition d’aromathérapie… Ce sont de petites choses en apparence, mais elles comptent beaucoup.

Et puis, je suis aussi très présente pour les familles, les proches aidants. Ils ont besoin d’écoute, de repères, de soutien. Ils font partie intégrante de l’accompagnement.

Peux-tu nous parler d’un accompagnement qui t’a marquée ?

Je pense à Danièle, une femme qu’on a accompagnée trois semaines seulement. C’était court, mais très intense. Elle venait tout juste de rentrer chez elle après une hospitalisation. Il n’y avait plus de traitement possible, et l’hôpital avait organisé son retour à domicile pour qu’elle puisse vivre ses derniers jours chez elle. Elle était encore assez autonome, elle vivait avec son chat, et elle nous ouvrait elle-même la porte.

Chaque jour, les choses évoluaient : elle avait de plus en plus besoin d’aide pour les gestes du quotidien, comme se laver ou s’habiller. Son autonomie diminuait rapidement. La mise en place d’un lit médicalisé, l’intervention de la HAD… tout s’est organisé au fur et à mesure pour l’accompagner au mieux chez elle.

L’équipe Voisins & Soins était en lien très régulier avec sa fille, qui travaillait et ne pouvait pas être présente en permanence. Notre médecin restait disponible pour répondre à ses questions, la rassurer. Dans les derniers jours, quand il est devenu clair que la fin était proche, toute l’équipe s’est mobilisée : des visites quotidiennes ont été mises en place pour qu’elle ne soit jamais seule. Elle a été pleinement entourée jusqu’au bout. C’était beau, simple, évident pour nous tous.

Sa fille nous a confié combien cette présence avait aidé sa mère avait retrouvé une certaine sérénité dans ses derniers jours, et combien ce souvenir resterait à jamais gravé dans son cœur.

En quoi Voisins & Soins t’aideà faire face à la mort de tes patients ?

Curieusement, ce sont les personnes en fin de vie elles-mêmes qui m’aident à ne pas craindre leur mort. Elles dégagent souvent une grande sérénité, une forme d’acceptation qui désarme. Ce sont elles qui nous apaisent, bien plus que l’inverse.

Je crois que cette question revient souvent chez les personnes en bonne santé, et c’est tout à fait compréhensible. Quand on n’est pas confronté à la fin de vie, la mort reste quelque chose d’abstrait, de lointain… et donc, souvent, source d’angoisse. Elle nous renvoie à notre propre finitude, et c’est normal que cela fasse peur. Justement, en parler, mettre des mots dessus, c’est déjà une façon de l’apprivoiser.

Moi aussi, j’ai peur de la mort. Je suis maman, je pense à mes enfants, à ce qu’ils deviendraient sans moi. Mais cette peur est atténuée par les personnes que j’accompagne. Leur calme, leur paix me touchent profondément. Elles m’aident à regarder la mort autrement.

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